La géographie ça sert, d'abord, à faire la guerre
Persistence
Daniel Eisenberg
Titre emprunté à l'opus éponyme du géographe Yves Lacoste, paru en 1976.
Cycle programmé par Kantuta Quiros et Aliocha Imhoff (Le peuple qui manque), à l'occasion de l'exposition Topographies de la guerre.
« Ce cycle de projections s'attache aux nouvelles modalités visuelles de la guerre, à l'interstice entre imagianires géographiques et politiques de la représentation. Dans son essai géopoétique, Territoire perdu, le documentariste Pierre-Yves Venderweerd montre la nécessité d'une connaissance topologique du désert, pour les visées stratégiques d'une guerre de basse intensité au coeur du Sahara Occidental. Après le 11 septembre, le géographe canadien Derek Gregory identifiait un "tournant culturel" dans l'imaginaire militaire américain, entre culture de la simulation et recours accru de l'état-major aux sciences sociales (anthropologie, linguistique, etc.). Supposé accroître et affiner la connaissance du terrain et diminuer la létalité des conflits déclarés au Moyen-Orient et en Asie Centrale, ce tournant culturel arborait une coloration qui se présentait comme "humaniste". Pourtant, avec ce qu'il qualifie, à la suite du théoricien post-colonial Edward Saïd, de géographies imaginatives, Gregory distinguait plutôt autant de stratégies qui produisent de la différence culturelle et la transforment en distance irréductible, rendant acceptable et légitime la conduite des conflits.
« L'espace apparaît alors non pas seulement comme une donnée figée, mais comme une construction idéologique et une fabrique d'altérité ; la géographie révèle son usage politico-militaire. »
Kantuta Quirós & Aliocha Imhoff / Le peuple qui manque
TERRITOIRE PERDU / Mardi 20 septembre à 20h
Traversé par un mur de 2400 km construit par l’armée marocaine, le Sahara occidental est aujourd’hui découpé en deux parties, l’une occupée par le Maroc, l’autre sous contrôle du Front de Libération du Sahara occidental. A partir de récits de fuite et d’exil, d’interminables attentes, de vies arrêtées et persécutées, ce film esquisse un portrait du peuple sahraoui et de ce territoire aux allures de Désert des Tartares. Territoire perdu résonne comme une partition contrastée entre paysages sonores, connaissance stratégique du désert, géopoétique nomade et guerre de basse intensité.
Territoire perdu, Pierre-Yves Vandeweerd, 80', 2010, France
MESURER, ARPENTER, CARTOGRAPHIER / Samedi 24 septembre et samedi 5 novembre à 11h
Pendant deux jours, l'artiste Francis Alÿs a marché dans Jérusalem, traçant un fin trait de peinture verte alors qu'il se déplaçait selon la ligne d'armistice dessinée en 1948 entre Israël et la Transjordanie, connue sous le nom de « Ligne verte ».
The Green Line, Francis Alÿs, 11', 2007, Belgique
Images, texte et son s'entrelacent pour évoquer l'histoire d'un groupe anonyme d'individus passant leur temps à mesurer des distances. Des mesures innocentes qui deviennent politiques et les amènent à regarder comment communiquent l'histoire, la tragédie et la complexité du nationalisme palestinienWe began by measuring distance, Basma Al-Sharif, 19', 2009, Palestine, Égypte
Future Archeology, Armin Linke & Francesco Mattuzi, en coopération avec Decolonizing architecture, 20', 2010, 3D, Italie
Comment les colonies israéliennes et les bases militaires peuvent-elles être réutilisées, recyclées ou réutilisées par les Palestiniens ? Le projet Decolonizing architecture, initié par les architectes S.Hilal, A.Petti et E.Weizman, articule la dimension spatiale au processus de décolonisation. Future archeology, film 3D, fait référence à l'invention du 19e siècle de la technologie stéréoscopique, développée précisément pour des raisons archéologiques et militaires.
Territory I, II, III, Marine Hugonnier, 24', 2004, France, Royaume-Uni
Territoire I examine la façon dont Tel Aviv veut se voir : comme une ville dotée d’un patrimoine architectural moderniste, dans le style Bauhaus, qu’on appelle la « ville blanche ». Territoire II et III observent la complexité de la géographie du conflit, reflétée dans l’architecture des colonies et celle des villes palestiniennes.
PERSISTANCE DES RUINES / Samedi 1er octobre et samedi 12 novembre à 11h
Lida Abdul est née à Kabul, Afghanistan en 1973. Ses vidéos mettent en scène à partir d’une écriture poétique performative les paysages afghans marqués par les guerres au cours de la chute du régime des talibans.
Once Upon Awakening,Lida Abdul, 7', 2006
Afghanistan In Transit, Lida Abdul, 5', 2008
Clapping With Stones, Lida Abdul, 5', 2005
Dome, Lida Abdul, 5', 2005
Les Atomgrads sont des villes bâties durant la guerre froide pour recevoir les populations actives dans les recherches nucléaires militaires en Russie. Depuis la chute de l’Union Soviétique et l’accident de Tchernobyl, ces villes sont désertées. Energodar est un film du « temps d’après ». « Après la catastrophe nucléaire ou après l’utopie architecturale et urbaine. Comme un futur arrivé à sa fin.» L.B.
Energodar, Louidgi Beltrame, 37', 2010, France
Défini comme un projet de Land Art, 'Real Remnants of Fictive Wars' rassemble un ensemble de films/interventions dans des zones urbaines, péri-urbaines et paysages de nature. L’épisode 5 rend hommage à la peinture romantique, tout en introduisant la notion de vandalisme chère à l'artiste
Real Remnants of Fictive Wars V, Cyprien Gaillard, 7', 2004, France
ANTIPHOTO-JOURNALISME / Samedi 8 ocobre et samedi 19 novembre à 11h
Dirty Pictures, John Smith, 14', 2007, Royaume-Uni
Avec la première guerre du Golfe, a émergé le phénomène des journalistes couvrant la guerre depuis leur chambre hôtel, diffusant des images de la guerre fournies par les armées. Le théoricien des médias McKenzie Wark décrit cette mutation de l’expérience visuelle de la guerre comme télésthésique.
Casio, Seiko, Sheraton, Toyota, Mars, Sean Snyder, 13', 2004-2005, États-Unis
A partir d’images provenant de sources gouvernementales, amateures et photojournalistiques, Sean Snyder jette une lumière sur des décennies d’influence et d’engagement institutionnels étrangers en Irak et en Afghanistan. L’apparition répétée de produits, comme les montres Casio, expose la capacité qu’ont les images véhiculées par les médias à servir le placement de produits.
Episode 1, Renzo Martens, 45', 2000-2003, Pays-Bas
Premier épisode d’une série où l’artiste interroge la construction médiatique des conflits politico-militaires, Renzo Martens voyage en Tchétchénie et endosse le « rôle le plus important - mais rarement reconnu - dans toute guerre médiatisée : celui du téléspectateur, pour l’attention duquel on se bat. »
INSIDERS / OUTSIDERS / Samedi 15 octobre et samedi 26 novembre à 11h
July Trip, Waël Noureddine, 35', 2006, France, Liban
"Lorsque la dernière guerre a débuté, j'étais loin à mon domicile à Paris. Je n'avais qu'une seule idée : rentrer à Beyrouth le plus rapidement possible et commencer à filmer. Ce film était devenu pour moi le film indispensable : filmer pour que l'histoire cesse de se répéter en boucle et constituer une banque d'images pour les générations futures. Je n'ai jamais compris pourquoi il y avait si peu de films tournés pendant la guerre au Liban. Hormis quelques rares films, il ne nous reste rien de cette époque. " W.N.
Searching for Hassan, Édouard Beau, 61', 2008, France
« 2007. On me propose de partir photographier un bataillon de soldats de l’armée irakienne, à Mossoul. J’ai 48 heures pour me décider. Je pars. Je suis photographe. Je n’ai jamais filmé. Je n’ai jamais vu la guerre. Un mois durant, je reste aux côtés de ces soldats. Attente, tension, temps morts, traversées sans fin d’un territoire morcelé, à la recherche de terroristes introuvables. » E.B.
ÉTATS DE GUERRE VISUELS / Samedi 22 décembre et samedi 3 décembre à 11h
Urban Errorist Cartography Internacional Errorista, Grupo Etcétera, 5', 2009, Argentine
Fondé en 2005, l’Internacional Errorista est un mouvement international qui revendique l’erreur comme philosophie de vie. Les Erroristes ont orienté leurs réflexions autour du stéréotype de l’ennemi (t)erroriste. Urban Errorist Cartography est une action, menée en 2009 à Buenos Aires, seule zone urbaine au monde où la Palestine et Israël se rencontrent sur une carte (la rue « Palestine » y croisant la rue « Israël »).
A Short Film about War, Jon Thomson et Alison Craighead, 10', 2009, Royaume-Uni
Fabriqué entièrement à partir d’informations trouvées sur le web, ce film propose un voyage dans différentes zones de guerre, à travers le regard collectif de blogueurs civils et militaires et du site de partage de photos Flickr.
Anaconda Target, Dominic Angerame, 8', 2005, États-Unis
« Nous n’avons pas le temps d’être effrayés, tout arrive en quelques secondes. C’est l’ordinateur qui ajoute la dernière touche » Paul Virilio. Le 4 mars 2002, une opération nommée Anaconda dirigée par les Etats-Unis était engagée dans le Nord de l’Afghanistan.
Mirages, Emanuel Licha, 22', 2010, France
Mirages se déroule dans un décor de village irakien au milieu du désert Mojave en Californie. Conçu par l'armée américaine pour l'entraînement des troupes avant leur départ pour l'Irak, ce village a été construit sous la supervision de techniciens d’Hollywood. Ce camp d’entraînement est un dispositif optique, fait pour apprendre aux soldats à voir la “réalité” irakienne telle que fictionnée par l’armée et Hollywood.
Ariana, Marine Hugonnier, 18', 2003, France, Royaume-Uni
En Afghanistan. Du panoramique comme outil de contrôle et mouvement. Ariana relate le voyage dans la vallée du Panjshir d'une équipe de tournage partie enquêter sur les liens entre l'histoire de la région et son paysage si particulier.
TOPOGRAPHIES POST-GUERRE / Samedi 29 octobre et samedi 10 décembre à 11h
Persistence, Daniel Eisenberg, 86', 1997, États-Unis
L’œuvre singulière du cinéaste Daniel Eisenberg dépasse les frontières entre film d’avant garde et documentaire historique. Primé de nombreuses fois, son long-métrage Persistence, peut être vu comme une cartographie cognitive des conséquences de la Deuxième Guerre Mondiale et de la chute du Mur de Berlin, telles qu’elles continuent d’habiter le présent. Daniel Eisenberg explore les paysages contemporains dans lesquels villes et lieux – musées, archives, statues, églises, prisons, camps de concentration – constituent autant de machines temporelles.
Infos pratiques
Les séances ont lieu au Cinéma des Cinéastes
7, avenue de Clichy - 75017 Paris