Ce prochain film part des images d'un voyage d'enquête effectué en 2000 au long de la rive sud de la Méditerranée. Neuf mois, en voiture de Paris à Jérusalem, à questionner les personnes rencontrées au fil de la route sur leurs rapports avec les morts. La circulation des flux d'images et des contenus commençait à l’époque à se globaliser, je cherchais alors comment elle pouvait affecter les représentations et les formes de la mémoire, et, à travers elles, un lien rêvé à l'humanité.

En 2024, mon désir de montrer les images anciennes de cette recherche est devenu une nécessité face à la violence grandissante du monde. Parce que ces images montrent ce monde où l'on pouvait circuler et s'exprimer avec une liberté qui rendait l'aventure possible. Parce que l'ouverture et la générosité des rencontres ont fait de ce voyage une expérience de liberté remontante. Mais vertigineuse aussi si l'on se prend à vouloir mesurer les changements de ce même monde, en Palestine où se termine le voyage, mais également au fil de la route en Italie, en Libye ou en Égypte.

Le principe du film à venir est de scander le récit du voyage d'autrefois par des séquences montrant certains de ses acteurs ou lieux aujourd'hui.

On parlera des questions que ces écarts posent, notamment parce qu'il s'agit de documenter et d'interroger un certain sentiment de menace ou de catastrophe, courant dans notre époque et dans le régime de ses images.

Biographie

Passée par l’écriture, le jeu et la mise en scène pour le théâtre, Emmanuelle Démoris est cinéaste. Ses films documentent et racontent des lieux comme des scènes ouvrant des espaces de vies et d'expériences. En 1997, Mémoires de pierre s’organise autour d’une carrière de calcaire dans l'Oise. En 1999, un voyage d’enquête la conduit en Égypte où elle tourne Mafrouza, chronique polyphonique en cinq parties d'un quartier d’Alexandrie. Le film reçoit le Léopard d'Or des Cinéastes du présent au festival de Locarno. Son dernier film, la trilogie du Voyage au lac, présenté au Cinéma du Réel en 2023, déploie la scène d'un lac au centre de l'Italie où se croisent les expériences de villageois et de jeunes voyageurs récemment arrivés par la mer.

Modération

Pascale CASSAGNAU, critique d’art, responsable des fonds audiovisuels et nouveaux médias au Centre national des arts plastiques. Ses recherches portent sur les nouvelles pratiques cinématographiques dans leur dialogue croisé avec la création contemporaine, et sur le son.

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