DAVE HEATH
DU 14 SEPTEMBRE AU 23 DÉCEMBRE 2018, LE BAL PRÉSENTE LA PREMIÈRE EXPOSITION D’ENVERGURE CONSACRÉE À DAVE HEATH EN FRANCE
Dave Heath occupe une place singulière dans l’histoire de la photographie américaine. Influencé par Eugene W. Smith et par les maîtres de l’école de Chicago dont Aaron Siskind et Harry Callahan, il ne peut être pourtant considéré ni comme un photographe documentaire ni comme un photographe expérimental. Sa photographie est avant tout une manière d’attester de sa présence au monde en reconnaissant en l’autre un alter ego absorbé dans ses tourments intérieurs. Il sera l’un des premiers, dès les années 1950, à exprimer aussi radicalement le sentiment d’aliénation et d’isolement inhérent à la société moderne.
Abandonné par ses parents à l’âge de 4 ans en 1935, Dave Heath connaît une enfance douloureuse à Philadelphie entre orphelinats et familles d’accueil. À 15 ans, un essai dans Life, « Bad Boy’s story » de Ralph Crane sur un jeune orphelin de Seattle, décide de son sort : « Je me suis immédiatement reconnu dans cette histoire et j’ai aussi reconnu la photographie comme mon moyen d’expression ».
En 1952, à 21 ans, Dave Heath est incorporé dans l’armée et envoyé en Corée comme mitrailleur. C’est là qu’il capte ses premiers paysages intérieurs (inner landscapes) en photographiant ses camarades soldats loin des combats, dans des moments intimes, absorbés dans leurs pensées, tentant de saisir « la vulnérabilité d’une conscience tournée vers elle-même ».
La rue américaine, à Philadelphie, Chicago ou New York où il s’installe en 1957, lui permet de préciser sa recherche : « Mes photos ne sont pas sur la ville mais nées de la ville. La ville moderne comme scène, les passants comme acteurs qui ne jouent pas une pièce mais sont eux-mêmes cette pièce. [...] Baudelaire parle du flâneur dont le but est de donner une âme à cette foule ».
Au-delà de l’enregistrement d’une scène ou d’un événement — presque toutes ses photographies sont dénuées d’indices de lieux, de dates ou d’actions — Dave Heath cherche à traduire avant tout une expérience du monde, quelque chose de vécu, d’éprouvé : la tension, dans l’espace public, entre la proximité contrainte des corps et l’isolement des individus, comme perdus en eux-mêmes. Alors il isole des figures dans la foule et emplit son cadre de leurs présences « absentes au monde ».
Conçu en 1961 et publié en 1965, A Dialogue With Solitude comptera parmi les livres les plus marquants de cette décennie, captant l’esprit du temps à la manière d’une protest song photographique. Le livre prend acte aussi de fractures dans la société d’abondance de l’Amérique après-guerre, un malaise d’âge, bien avant les mouvements pour les droits civiques et la guerre du Vietnam. À partir de 1970, Dave Heath cessera de photographier pour se consacrer à l’enseignement, notamment à la Ryerson University de Toronto au Canada dont il deviendra citoyen et où il s’éteindra en 2016.
« LE FAIT DE N’AVOIR JAMAIS EU DE FAMILLE, DE LIEU OU D’HISTOIRE QUI ME DÉFINISSAIENT, A FAIT NAÎTRE EN MOI LE BESOIN DE RÉINTÉGRER LA COMMUNAUTÉ DES HOMMES. J’Y SUIS PARVENU EN INVENTANT UNE FORME POÉTIQUE ET EN RELIANT LES MEMBRES DE CETTE COMMUNAUTÉ, AU MOINS SYMBOLIQUEMENT, PAR CETTE FORME. » — Dave Heath
Première présentation d’envergure de son oeuvre en Europe, l’exposition au BAL réunit 150 tirages d’époque réalisés par Dave Heath et la maquette originale de A Dialogue With Solitude.
Les œuvres de Dave Heath sont présentées en dialogue avec trois chefs-d’oeuvre du cinéma indépendant américain de cette période, entre « cinéma direct » et pratiques alternatives : trois variations sur le thème de la solitude.
Portrait of Jason, Shirley Clarke, 1966
Salesman, Albert et David Maysles et Charlotte Mitchell Zwerin, 1968
The Savage Eye, Ben Maddow, Sidney Meyers et Joseph Strick, 1960
Dave Heath - Dialogues With Solitudes | LE BAL | Du 14 septembre au 23 décembre 2018 from LE BAL on Vimeo.
© Matthieu Samadet sons, musique et vidéo
CINÉMA DU RÉEL
Les œuvres de Dave Heath sont exposées en regard de trois films cultes, ovnis de cette période du cinéma américain entre « cinéma direct » et pratiques alternatives, trois variations sur le thème de la solitude.
« J'ESSAIE SANS CESSE D'ÊTRE À LA FOIS RÉALISTE ET ABSTRAITE. » — Shirley Clarke
À la fin des années 1950, un nouveau cinéma, hors-norme, hors système et fauché, cherche à filmer le quotidien, l’immédiat, l’ordinaire de la société américaine, ramenant le cinéma à la simplicité de ses débuts. En laissant la caméra flotter à la surface du monde, sa vocation est de « nous rendre proches des personnes qui nous resteraient normalement étrangères » (Albert Maysles). Cette ambition, rendue possible par le progrès technologique — caméra légère, pellicule sensible, son direct et synchrone — va donner lieu à des oeuvres libres, hybrides, inspirées, dans lesquelles s’approcher de la vérité se transforme en un voyage poétique saisissant. Comme le dira Truman Capote (à propos de son livre In Cold Blood ayant inspiré Albert Maysles pour réaliser Salesman) : « L’œuvre réalisée à partir de faits réels a autant d’impact que l’oeuvre la plus imaginative, le vrai conférant à la poésie une dimension supplémentaire ». Tout dans ces films surprend : la fulgurance de formes inédites brouillant la frontière entre mise en scène et prise sur le vif, la dimension politique du geste expérimental, le propos, complexe, délicat, sans didactisme et pourtant virulent sur l’état de l’Amérique, la confrontation, de part et d’autre de la caméra, d’une présence, d’un corps, d’une conscience.
« SI VOUS VOULEZ CONNAÎTRE L’AMÉRIQUE, ALLEZ VOIR THE SAVAGE EYE. » — Edward Hopper
Au BAL, le face-à-face avec les photographies de Dave Heath ouvre la voie à de multiples concordances : à la fois d’intention (viser non pas une plus grande objectivité, mais une subjectivité en prise avec la ville et ses personnages), psychologique (révéler la part secrète, maudite derrière l’enveloppe sensible des êtres, faire que le dedans se livre dans le dehors), et politique (imbriquer trois récits d’éclatement : celui de l’individu, de la société et des formes visuelles établies).
Indéniablement, souffle dans ces œuvres l’esprit de la Beat Generation : « Davantage que la simple lassitude, le mot Beat sous-entend le sentiment d'avoir été usé, d'être à vif. Il implique une sorte de nudité de l'esprit, et, ultimement, de l'âme ; le sentiment d'être réduit au plus simple état de conscience. En résumé, il signifie être poussé, sans en faire un drame, jusqu'à ses propres limites. » John Clellon Holmes
— Diane Dufour
Biographie
La presse en parle
Infos pratiques
Autour de chaque exposition, des visites de l'exposition sont proposées gratuitement sur présentation du billet d'entrée. Pour en savoir plus cliquez ici.
Exposition réalisée avec le soutien de la Stephen Bulger Gallery (Toronto), de la Howard Greenberg Gallery (New York) Archive of Modern Conflict (Londres) et des Films du Camélia (Paris).
En partenariat avec le Centre culturel canadien à Paris
Avec la contribution de Manfred Heiting
Avec la participation de Maysles Films Inc.
L'exposition est accompagnée d'un livre co-édité par LE BAL et Steidl et conçu par Pierre Hourquet : Dialogues With Solitudes
Partenaires médias : Art Press, France Culture, L’OEil de la Photographie, Polka Magazine, Slash/, Télérama, iD-Magazine
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Autour de l'expo

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