Mark Cohen
LE BAL présente cet automne la première exposition majeure en Europe du photographe américain Mark Cohen.
« Mark Cohen est né en 1943 à Wilkes-Barre, petite ville minière de Pennsylvanie. Enfant, il reçoit son premier appareil photo et, à quatorze ans, il installe une chambre noire dans son sous-sol. Au lycée, un exemplaire d’Images à la sauvette d’Henri Cartier-Bresson passe entre ses mains et « les jeux étaient faits. Les études n’étaient plus qu’un détail accessoire. » Il passe un semestre à la Rhode Island School of Design où ses professeurs, Harry Callahan et Aaron Siskind, l’invitent à enseigner. Mais Wilkes-Barres le retient : « Quelque chose me disait que je n’en avais pas fini avec cet endroit. » Il monte un studio photo commercial et réalise des photos de mariage, des rapports annuels, « tous les boulots que je pouvais réaliser pour financer le reste. »
S’échapper dans les rues de Wilkes-Barre pour prendre avec brio des images brutales, sidérantes – des images qui n’avaient à plaire à personne d’autre que lui-même – était de toute évidence libérateur.
En 1973, John Szarkowski lui consacre une exposition monographique au Museum of Modern Art de New York. Deux ans plus tard, il expose son travail en couleur à la George Eastman House à Rochester.
Depuis quarante ans, Mark Cohen arpente les rues de sa ville natale et de ses environs, prélevant des fragments de gestes, postures ou corps.
Il coupe et sculpte dans l’épaisseur du monde, distillant par touches successives une vision kafkaïenne, rude et poétique.
Répétitif jusqu’à l’obsession, il ne sait ni ce qu’il cherche ni pourquoi il est venu, mu par la beauté d’une rencontre fortuite, par les tourments ou délices qu’il devine dans la substance de l’autre. Il y a dans la brutalité de son œil, une âpreté, une équivoque et une grâce qui font de sa photographie l’expression d’une révélation. »
-Diane Dufour
« Il y a, dans le travail de Mark Cohen, une énergie brute, enragée, qui semble presque désespérée, voire menaçante. Son appareil, tenu à bout de bras, surgit si près de ses sujets qu’il taille les corps par des plans serrés de genoux, de cous, de torses nus, de poings fermés. Même ses natures mortes paraissent fragiles, instables. À l’instar de Luis Buñuel et de David Lynch, Cohen voit un monde bancal, qui ne tourne pas rond.
Et puis il y a Wilkes-Barre, autrefois prospère ville minière de Pennsylvanie. Cohen est ici chez lui, dans cette ville qui périclite à petit feu et à laquelle il tend un miroir déformant.
Mais son Wilkes-Barre ne représente pas une Amérique en déclin, c’est un paysage mental, une abstraction, d’autant plus saisissante qu’elle possède indéniablement un caractère onirique.
« J’aurais adoré être comme Dorothea Lange, en prise directe avec des questions sociales, confie-t-il. Mais en restant coincé à Wilkes-Barre toute ma vie, je suis devenu un surréaliste. Par la force des choses. » Mark Cohen n’éprouve guère d’intérêt pour le théâtre de la rue – les tableaux poétiques chers à Helen Levitt – ni pour la condition sociale de ses sujets, dont la plupart sont décapités ou réduits en morceaux par son cadrage. Ses images sont plus viscérales.
Peu importe qu’il ait arpenté ces rues des centaines de fois, il ne s’autorise pas la moindre facilité, le moindre confort dans ses images, pas plus qu’il ne l’autorise à son public.
C’est même cet inconfort, cette anxiété qui affûtent son travail et en préservent la qualité brute.
Ainsi, sa réaction à l’Autre est poussée à son degré ultime. Il sait bien qu’il y a quelque chose de perturbant dans ses images. Il est trop près, beaucoup trop près, mais c’est justement cela qui est remarquable. Ses images ne nous laissent aucun répit, aucune certitude. Comme Mark Cohen, nous sommes bien en terrain connu, et pourtant nous restons des étrangers sur une terre étrange. »
-Vince Aletti
On retrouve cette énergie brute dans le livre Mark Cohen - Dark Knees, conçu avec les Éditions Xavier Barral à l’occasion de l’exposition.
La presse en parle
Commissaires : Vince Aletti et Diane Dufour
Exposition co-produite avec le Nederlands Fotomuseum (Rotterdam).
En collaboration avec la Bruce Silverstein Gallery (New-York) et la ROSEGALLERY (Los Angeles).
Avec le soutien des Services culturels de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique et de Champagne Henriot.
Partenaires média : Artpress, Polka, Parisart, Wombat, TimeOut Paris, Télérama, France Culture.