Alex Majoli
L’Europe, l’Asie, le Brésil, le Congo. Huit ans durant, Alex Majoli a parcouru le globe pour photographier des événements et des non-événements.
Des manifestations politiques, des urgences humanitaires ou des moments paisibles de la vie quotidienne. Bien qu’hétéroclites, ces images semblent avoir en commun le même type de lumière ainsi qu’un certain sens de la théâtralité. Le sentiment que nous sommes tous acteurs, aux prises avec les différents rôles que l’histoire et les circonstances exigent de nous.
Les photographies de Majoli sont le résultat d’une action performée. En s’invitant dans une situation, son assistant et lui installent un appareil photographique et des lumières. Cette action est une sorte de spectacle en soi, auquel assistent ceux qui seront photographiés. Majoli se met au travail sans donner aucune consigne, ni échanger aucune parole avec ces individus qui se trouvent être en train de vivre un moment devant son objectif. La prise de vue peut durer vingt minutes, une heure, ou plus encore. Parfois, les sujets modifient leur comportement en anticipant l’image à venir et changent délibérément de posture. Il arrive souvent qu’ils soient trop occupés par l’intensité de ce qu’ils vivent pour y prêter attention. Dans les deux cas, la représentation du spectacle et le spectacle de la représentation finissent par ne faire qu’un.
« Nous emploierons, pour mettre la réalité sous forme maîtrisable entre les mains des hommes, tous les procédés, les anciens et les nouveaux, les éprouvés et les inédits, ceux empruntés à l’art et ceux qui proviennent d’ailleurs. Notre idée du réalisme doit être large et politique, et souveraine à l’égard des conventions. » — Bertolt Brecht
La plupart des photographies de Majoli sont prises en plein jour [...]. Le flash n’est pas ici question de nécessité ; c’est un choix, un geste à valeur interprétative, tout comme les autres paramètres photographiques que sont le point de vue, le cadrage et l’instant choisi pour le déclenchement. Ce flash très puissant illumine ce qui est proche, mais plonge les alentours dans l’obscurité ou dans un clair de lune : tout semble se passer désormais, comme magnifié, à la tombée de la nuit.
L’approche d’Alex Majoli nourrit une réflexion profonde sur les conditions de la théâtralité en photographie, dans un monde que nous avons fini par percevoir comme étant à tout moment et sous toutes les coutures, photographiable. Si le monde s’attend à être photographié, cela sous-entend qu’il se tient perpétuellement dans un état de théâtralisation potentielle. Dans ces images, nous ne voyons pas des individus, nous voyons des individus ayant réalisé un potentiel « être photographié ». Ils nous apparaissant à la fois réels et fictifs. Réels car leur présence devant l’appareil a bien été enregistrée ; fictifs car l’appareil a créé un instant scénographié prélevé dans le continuum d’une histoire qui nous échappe.
L’illusionnisme de la photographie est donc inséparable de la contemplation de cette illusion. Ceci ne revient pas à nier le potentiel documentaire de l’image, mais implique que le document lui-même admette la théâtralité comme une condition intrinsèque de son émergence. Loin de dissiper les tensions entre œuvre et document, les images de Majoli les dramatisent au contraire, en leur permettant de coexister. Et de s’affirmer comme deux composantes essentielles de notre expérience du monde.
- David Campany
Alex Majoli – Scene | LE BAL | Du 22 février au 28 avril 2019, from LE BAL on Vimeo.
© Matthieu Samadet, sons, musique et vidéo
Biographie
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Infos pratiques
Des visites de l'exposition sont proposées gratuitement sur présentation du billet d'entrée. Pour en savoir plus cliquez ici.
Dans le prolongement de ce geste, LE BAL invite pour la première fois six artistes chorégraphes, danseurs, performeurs à créer une œuvre à partir d'une image, dans le cadre du cycle Voir et Agir.
Deux temps de réflexion sur le thème Qu'est-ce qui échappe à la lumière ? seront proposés par Corinne Rondeau, écrivaine, critique et universitaire.
Commissaires de l’exposition : David Campany et Diane Dufour
Un livre co-édité par LE BAL et MACK, ALEX MAJOLI - SCENE, est publié à l’occasion de l’exposition.
Exposition organisée en collaboration avec le Musée d’Art de la ville de Ravenne et Magnum Photos, avec le soutien de l’Institut Culturel Italien de Paris et de la Howard Greenberg Gallery.
Partenaires médias : Art Press, France Culture, i-D Magazine, L’Œil de la Photographie, Polka Magazine, Slash/, Télérama