DISCUSSION AVEC MIKHAEL SUBOTZKY ET PATRICK WATERHOUSE
Michael Subotzky & Patrick Waterhouse, Ponte City, 2008-2013
Magnum Photos
Discussion avec les deux photographes de l'exposition, accompagnés de Diane Dufour. L'évènement sera suivi d'une signature du livre Ponte City (éditions Steidl).
« [...] Lorsque nous avons démarré notre projet en 2008, le chantier allait bon train. Nous avons répertorié systématiquement les éléments architecturaux de Ponte en prenant une photo de chaque porte et de la vue extérieure de toutes les fenêtres de chaque appartement. Nous avons juxtaposé ces photographies les unes aux autres en suivant la structure exacte du bâtiment.
Ces typologies traduisaient le fantasme de Ponte comme cité idéale, une Babylone qui culminait au firmament du rêve moderniste, au point le plus haut atteint par l’homme sur le sol africain.
Le bâtiment ressemblait à une coquille, dont la moitié inférieure avait été entièrement vidée tandis que les étages supérieurs accueillaient une population clairsemée. Les anciens résidents avaient déménagé à la hâte, pour céder la place aux promoteurs. Le plus souvent, leurs appartements avaient été cambriolés et saccagés. Quelques mois plus tard, lorsque l’ambitieux projet de réhabilitation a fait long feu, nous avons pénétré dans chaque pièce, l’une après l’autre. Le sol était jonché d’effets personnels, de photographies déchirées et autres papiers épars. Nous avons sillonné les couloirs, parcouru des étages entiers d’appartements vides. Puis, soudain, on pouvait entendre des enfants crier, percevoir l’odeur d’une friture de poisson, saisir des voix furtives ou le bruit de l’écoulement d’eau dans les canalisations… Nous avons rencontré dans les ascenseurs les ultimes résidents de l’immeuble et fait leur portrait. Les portes des appartements se sont alors ouvertes sur des familles entières logées dans un appartement de célibataire ; des pièces avec, pour seul mobilier, un matelas à même le sol et une gigantesque télévision ; ou encore d’immenses appartements « de standing » divisés en quatre ou cinq espaces à vivre avec, pour seules cloisons, des draps ou des appareils électroménagers. Nous nous sommes rendu compte que la quasi-totalité des habitants avait les yeux rivés sur leur écran de télévision et nous avons ainsi passé des heures avec eux à regarder de vieux films de Rambo, des sitcoms congolaises, des clips musicaux et des comédies de Nollywood.
Toutes les histoires qui circulaient autour de Ponte City ont ainsi défilé sous nos yeux — gangsters et barons de la drogue, règlements de compte et prostituées, fantômes et magie vaudou — sur les centaines d’écrans empilés, d’un appartement à l’autre, d’un étage à l’autre.
Dans toutes ses contradictions, la ville surgit de tous les documents rassemblés ici tel un lieu de poussière et de rêves, qui sied à la terre sur laquelle elle est posée et qui a attiré des millions de migrants depuis la découverte d’or dans les années 1880. Les migrants continuent d’y affluer, venus du continent entier, en quête d’une autre vie. Mais cet eldorado ne réalise que les rêves d’un petit nombre. Tout autour d’eux, ceux qui ont cru en leur destin se retrouvent éparpillés dans une métropole moderne – épinglant leurs rêves sur les enseignes clignotantes qui dominent la ville et certains de ses gratte-ciels. »
-Mikhael Subotzky et Patrick Waterhouse
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