La jeune création au BAL
À l'occasion de la quatrième édition du Prix des Écoles d'Art SFR Jeunes Talents / LE BAL 2012, le jury, composé de Xavier Barral (Xavier Barral Éditions), Bernard Utudjian (Galerie Polaris), Antoine d'Agata, Oriane Bonifassi (SFR Jeunes Talents) et Fannie Escoulen (LE BAL), a distingué le travail de Sylvain Couzinet-Jacques.
PARTIE I : PRIX 2012 DES ÉCOLES D’ART SFR JEUNES TALENTS / LE BAL
SYLVAIN COUZINET-JACQUES / STANDARDS&POORS
Pendant plusieurs mois, Sylvain Couzinet-Jacques, diplômé de l'École Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles en 2012, a parcouru l’Espagne en crise. Standards&Poors évoque quatre espaces désertiques. Des opérations immobilières pharaoniques sont sur le point d’y voir le jour. Ces projets de casinos, de golfs ou d’hôtels 5 étoiles évalués à plusieurs dizaines de milliards d’euros paraissent démesurés tant l’Espagne est parsemée de constructions inachevées, jusqu’à l’aéroport de Castellon ou la ville fantôme de Valdeluz. Il y a EUROVEGAS à Madrid, BARCELONA WORLD à Tarragone, FERRARI PARK à Valence, PARAMOUNT PARK à Murcie. Ces projets incarnent le nouvel Eldorado des promoteurs et des investisseurs, stupéfiantes projections, à l’heure où les stigmates d’une spéculation immobilière frénétique marquent encore le paysage.
« Standard&Poors se partage entre la transcription d'une réalité violente et le ré-enchantement poétique comme résistance entre la photographie comme document et sa dissolution possible et nécessaire.» -Sylvain Couzinet-Jacques
PARTIE II : REGARD SUR LA NOUVELLE SCÈNE PHOTOGRAPHIQUE ESPAGNOLE
« En écho au travail de Sylvain Couzinet-Jacques sur les stigmates de la crise espagnole, cette jeune scène choisit délibérément le décalage. Du côté de la fiction, de l’intime, de la narration ou de la fable, leurs visions s’entrecroisent et nous emmènent vers un ailleurs. Quelle réalité est ici contée ? Des courses de pigeons chez Ricardo Cases, une fable pastorale chez Antonio M. Xoubanova, la quête d’une distance absolue pour Aleix Platemunt et un hymne cinglant à l’homme-machine par Óscar Monzón…Profondément marqués par leur environnement, ils détournent, dissèquent et manipulent le réel. Le livre, autant que l’exposition, sont pour eux matière à expression, à réflexion, et c’est en imaginant ces nouvelles formes que cette génération s’impose dans un paysage photographique foisonnant. »
Fannie Escoulen, commissaire de l’exposition
ÓSCAR MONZÓN / KARMA
Avec Karma, le photographe espagnol Óscar Monzón a entrepris à Madrid entre 2009 et 2013 un travail en profondeur sur le rapport de l’homme à l’automobile, et plus précisément entre le conducteur et son véhicule. Jamais mises en scènes, ces images qu’on imagine pour la plupart volées, font écho à la notion de « voiture-corps » chère à Luc Boltanski. Seul objet qui nous absorbe complètement et que l’on manipule de l’intérieur à notre gré, la voiture provoque cette sensation de pouvoir traverser un ailleurs tout en sécurité. Elle offre un espace clos, intime, au milieu de la sphère publique et crée un univers familier qui autorise les pratiques les plus personnelles. C’est cette particularité qui a intéressé Óscar Monzón, et tout en violant cet espace clos, il fige les scènes à coup de flash et défie l’intimité des automobilistes.
RICARDO CASES / PALOMA AL AIRE
« Ces hommes costauds, s’en allant aux champs le dimanche pour lâcher leurs pigeons, jouent, même s’ils n’en sont pas conscients. Le mécanisme de projection du joueur sur son pigeon n’est pas si différent de la projection d’un fan de football sur son équipe. Cependant, contrairement à d’autres sports plus populaires où la métaphore originelle (les combats entre clans, les rites de passage) a été perdue avec l’objectification et la professionnalisation, ici, le rite primitif est encore complètement original, comme s’il venait d’être inventé. Un groupe d’hommes courant dans la campagne après leurs pigeons, observant leurs accouplements, discutant des règles et de l’arbitrage, cela fait écho à la documentation ethnographique des rites de tribus reculées, ou à un groupe d’enfants découvrant le monde autour d’eux par leurs jeux. L’observation anthropologique du jeu rituel, exercée par des adultes dans une société développée, nous interroge aussi sur la réalité de ce que nous expérimentons et sur notre perception symbolique. La transformation du regard des joueurs, excités et tout à leur jeu comme des enfants, est étroitement liée à leur capacité, réactivée, de vivre le symbolique comme réel »
Extrait du texte de Luis Lopez Navarro, publié dans Paloma al aire, Dalphine, 2011
ALEIX PLADEMUNT / ALMOST THERE
« Je photographie là d’où je viens, là où je suis né. Mais le paysage de mon imaginaire photographique est bien plus éloigné. Je prends l’avion pour voir les choses d’en haut puis je reviens ici, tout près. Vraiment tout près, afin de confronter plusieurs distances. Je photographie ce qui est au plus près de moi, mon père, et je découvre qu’au-delà de la distance temporelle entre nous, existe aussi une distance émotionnelle. Je repars à nouveau, examiner au loin, au plus loin, et mettre entre le sujet et moi la plus grande distance possible.Voici donc Almost There. Un retour permanent. Mon plus proche et mon plus lointain. Mon sang, mon pays, les signes que je connais, les lieux les plus lointains, les lieux où j’ai vécu, les lieux où je me suis senti chez moi, l’univers, la plus grande planète du système solaire, la plus proche galaxie, la chance... L’impossibilité d’atteindre une destination. La photographie comme un voyage dans le temps et au même moment le reflet de ce lieu ou de cette chose que l’on ne retrouvera pas, que l’on ne verra plus jamais avec ces yeux-là, ceux d’avant. Cette confrontation de distances interchangeables mène à une seule déception : je ne serai jamais assez loin ou assez près. Mais entre ces distances, dans le jeu des perceptions qu’elles génèrent, des choses se passent, ce sont elles que je choisis d’explorer.
Almost far, almost near. Almost There. » -Aleix Plademunt
ANTONIO M. XOUBANOVA / CASA DE CAMPO
Casa de Campo est une fable photographique ancrée dans la réalité du plus grand parc de Madrid. Casa de Campo fait cinq fois la taille de Central Park et s’étend à l’ouest de la capitale espagnole. Entre 2008 et 2012, Antonio M. Xoubanova a vagabondé au travers des sentiers de ce bois urbain examinant les gens, les animaux, les objets qu’il y rencontrait, comme s’il s’agissait d’une planète inconnue. Sans même s’en rendre compte, il s’est retrouvé à transformer les choses vues, être animés ou inanimés en un récit symbolique et onirique teinté d’étrangeté. L’ouvrage, pensé comme un vieux livre de conte de fée, est articulé autour de cinq chapitres qui font référence respectivement à l’amour, la mort, les moments fugitifs, les symboles et la perte de repères.
Biographies
Commissaire : Fanny Escoulen
Exposition réalisée avec le soutien de Janvier et de l'Office Culturel de l'Ambassade d'Espagne à Paris.