Anonymes, USA
'X+', Marylene Negro, 2010
Autour de l’exposition Anonymes, la programmation du premier cycle a été réalisée par Pascale Cassagnau, historienne, critique d’art, inspectrice de la création au CNAP , et Nicole Brenez, maître de conférence à Paris-III , programmatrice à la Cinémathèque française.
« Personne n’est anonyme. Et un nom n’appartient pas nécessairement aux répertoires des instruments d’identification, il peut se faire l’instrument intime qui verrouille ou déverrouille les passages dans les sphères de l’existence, voire dans l’au-delà. Ainsi que le rapportent les anthropologues, il a toujours existé des noms secrets, des noms sacrés, des noms écrans et des faux noms, nécessaires à la diversité des circonstances vitales. Seule l’idéologie décide de la valorisation ou du discrédit d’un être que l’on ne connaît pas d’emblée, qui échappe à la nomination et reste entre-aperçu dans la représentation, secondaire, minoré ou fugitif. Sous l’auspice double du contrôle et du narcissime, notre temps d’individualisation démente pense l’anonymat comme privation, déchéance, danger. L’ordinaire, le quelconque, la masse, la foule, le peuple : figures contemporaines du paria. Mais c’est aussi pourquoi l’anonymat forme la base de repli à partir de laquelle peuvent travailler les clandestins, les pirates, les activistes soucieux d’échapper
à l’identification. Inversement, le documentaire humaniste a pensé l’anonyme en terme de communauté, de fraternité et d’empathie : parce qu’il restait sans nom, ce visage ou ce corps s’affirmait plus encore comme un semblable. Pour autant, du point de vue de la personne, le nom n’est qu’un élément partiel et arbitraire de l’identité, juste un signe à partir duquel peuvent s’ouvrir des dynamiques de désinviduation, comme chez Pessoa par exemple. Les films présentés dans le cadre de l’exposition Anonymes du BAL manifestent la diversité des conceptions et des pratiques de l’anonymat :
description attentive de petites communautés ou de multitudes provisoires (Bruce Baillie, Danny Lyon, Tav Falco, Philippe Parreno) ; approfondissements humanistes des figures du semblable qui laissent imploser, volontairement ou non, le familier (Albert et David Maysles, Leighton Pierce, Morgan Dews) ; mise en perspective de portraits et autoportraits d’hommes en guerre et de foules en lutte (Mauro Andrizzi, Mark Tribe) ; études visuelles contemporaines sur la représentation figurative, histoires d’images faisant retour sur les formes de présence (William E. Jones, Philippe Parreno, Marylène Negro). Aussi animaux sommes-nous, reniflant sans relâche des contours humains sur des écrans. Notre appréhension n’en reste pas moins entièrement politique.»
Nicole Brenez et Pascale Cassagnau
Biographies
Practical info
Les séances ont lieu au Cinéma des Cinéastes
7, avenue de Clichy - 75017 Paris